
Face à la tendance culturelle de fond, majoritaire, datant de la Libération – le modèle américain – la fiction populaire française a exploré plusieurs types de réaction, minoritaires, et proposé des contre-modèles.
Le roman de guerre, depuis ses collections bas de gamme des années cinquante jusqu’à Gerfaut, avait proposé un « contre-modèle allemand ». Contre-modèle toutefois circonscrit à ce seul genre, lui-même aujourd’hui exténué dans sa forme sérielle, à quelques exceptions près. Ces dernières relevant du technothriller, genre ramenant au modèle américain.
Dans le roman policier, les contre-modèles se sont faits « hexagonaux » :
- par des ancrages langagiers inspirés peut-être initialement par la tradition américaine hard-boiled mais qui, sociolinguistiquement, ont reterritorialisé le genre – ainsi l’argot, qui avait servi à crédibiliser les seules histoires de truands, a largement débordé cette sociologie étroite ;
- ce qui a insensiblement élargi la palette des thèmes possibles à une sociologie plus diversifiée – polars des banlieues à la néo-polar, polars régionalistes à la Pierre Magnan, et polars de la France multiculturelle – voire à une sociopolitique du crime, dans le néo-polar et sa descendance.
« Motifs. De la vie littéraire à la mort du romancier : figures de l’auteur dans le roman policier », Pop-en-stock, mis en ligne le 7 Juin 2015.
« Meurtre ne rime à rien. La ville française dans le roman policier français des années 1958-1981 », FiXXIon. Revue critique de fixxion française contemporaine, n° 10, p. 13-23, http://www.revue-critique-de-fixxion-francaise-contemporaine.org/rcffc/article/view/fx10.03/932
« La ligne, entre photo et graffiti. Bloody Mary, une histoire empruntée… mais sûre d’elle-même », L’adaptation dans tous ses états. Passage d’un mode d’expression à un autre, sous la direction d’Andrée Mercier et Esther Pelletier, Québec, Éditions Nota bene, coll. Les cahiers du creliq, 1999 – pp. 209-242.
Enfin, plus récemment, la conscience de la mondialisation a incité un modeste rééquilibrage. Face à l’écrasante majorité de titres issus de l’anglophonie, une minorité visible s’affirme par la traduction. Notamment, et pour s’en tenir aux seules importations de l’aire européenne :
- de l’italien, avec une puissante inspiration régionale – Leonardo Sciascia inspiré par la Sicile, Andrea Camilleri par Porto Empedocle, Valerio Varesi par Parme, Giancarlo De Cataldo par Rome, Giorgio Todde par Cagliari, Gianrico Carofiglio par Bari, Massimo Carlotto par Padoue, Maurizio De Giovanni par Naples, Carlo Lucarelli par Bologne…
- de l’espagnol – Arturo Perez-Reverte, Antonio Munoz-Molina, Andreu Martin, Manuel Vázquez Montalbán, Paco Ignacio Taibo, Victor del Arbol, Dolorès Redondo, Alicia Giménez Bartlett…
- de l’allemand – -ky, Jakob Arjouni, Bernhard Schlink, Philip Kerr, Veit Heinichen, Jakob Arjouni, Heinrich Steinfest, Harald Gilbers, Simon Urban…
- du suédois – Maj Sjöwall et Per Wahlöö, Henning Mankel, Stieg Larsson, Liza Marklund, Åke Edwardson, Arne Dahl, Camilla Läckberg, Håkan Nesser, Anders de la Motte…
- du norvégien – Jo Nesbø, Karin Fossum, Anne Holt, Gunnar Staalesen…
- du danois – Helle Stangerup, Anders Bodelsen, Leif Davidsen, Elsebeth Egholm, Peter Høeg…
- du finnois – Johan Bargum, Arto Paasilinna, Leena Lehtolainen…
- de l’islandais – Arnaldur Indridason, Yrsa Sigurðardóttir, Arni Thorarinsson, Ragnar Jónasson…
- du russe – Arkadi et Gueogui Vaïner, Alexandra Marinina, Boris Akounine, Leonid Youzéfonitch, Julia Latynina, Andreï Constantinov, Leonid Guirchovitch, Zakhar Prilepine, Dimitri Stakhov, Alexandre Zviaguintsev, Vladimir Kozlov…
- du polonais – Marek Krajewski, Zygmunt Miłoszewski, Wojcieh Chmielarz, Pawel Gozlinski…
- du magyar – Vilmos Kondor, Benedek Tótth ;
- du bulgare – Elena Alexieva, Emilia Dvorianova, Alek Popov…
- de l’albanais – Neshat Tozaj, Fatos Kongoli, Virion Graçi ;
- du roumain – Ioana Pârvulescu, George Arion, Bogdan Teodorescu…
- du grec – Pétros Markaris ;
- de l’estonien – Indrek Hargla ;
- du letton – Sergueï Belochnikov ;
- du lituanien – Ricardas Gavelis…
2019, date anniversaire de la chute du Mur de Berlin a incité Sándor Kálai (de l’université de Debrecen, Hongrie) et Désiré Nyela (de l’université Sainte-Anne, Nouvelle-Écosse, Canada) à se joindre à moi pour une recherche sur les romans policiers issus des pays de l’ex-bloc de l’est traduits en français.